Loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 relative à la liberté d’association

L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

TITRE I

DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 1er.- 1) La liberté dʼassociation proclamée par le préambule de la Constitution est régie par les dispositions de la présente loi.

2) Elle est la faculté de créer une association, dʼy adhérer ou de ne pas y adhérer.

3) Elle est reconnue à toute personne physique ou morale sur lʼensemble du territoire

national.

ARTICLE 2.- Lʼassociation est la convention par laquelle des personnes mettent en commun leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices.

ARTICLE 3.- Tout membre d’une association peut sʼen retirer à tout moment après paiement des cotisations échues de lʼannée en cours.

ARTICLE 4.- Les associations fondées sur une cause ou en vue dʼun objet contraires à la constitution, aux lois et aux bonnes mœurs, ainsi que celles qui auraient pour but de porter atteinte notamment à la sécurité, à lʼintégrité territoriale, à lʼunité nationale, à lʼintégration nationale et à la forme républicaine de l’État sont nulles et de nul effet.

ARTICLE 5.- 1) Les associations obéissent à deux régimes :

– le régime de la déclaration ;

– le régime de lʼautorisation.

2) Relèvent du régime de lʼautorisation, les associations étrangères et les associations religieuses.

3) toutes les autres formes dʼassociations sont soumises au régime de la déclaration. Toutefois, les régimes prévus à lʼalinéa premier ci-dessus ne sʼappliquent pas aux associations de fait dʼintérêt économique ou socio-culturel.

4) les partis politiques et les syndicats sont régis par des textes particuliers.

TITRE II

DU RÉGIME DES ASSOCIATIONS DÉCLARÉES

CHAPITRE I

DE LA CRÉATION

ARTICLE 6.- sous réserve des cas de nullité prévus à lʼarticle 4 ci-dessus, les associations se créent librement. Toutefois, elles nʼacquièrent de personnalités juridiques que si elles ont fait lʼobjet dune déclaration accompagnée de deux exemplaires de leur statut.

ARTICLE 7.- 1)- La déclaration prévue à lʼarticle précédent est faite par les fondateurs de lʼassociation à la préfecture du département où celle-ci a son siège. Un récépissé leur est délivré dès que le dossier est complet si lʼassociation nʼest pas frappée de nullité.

2)- La déclaration indique le titre, lʼobjet, le siège de lʼassociation ainsi que les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Toute modification ou changement dans ces éléments doit être porté dans les deux mois à la connaissance du Préfet.

3)- Le silence du Préfet gardé pendant deux mois après le dépôt du dossier de déclaration vaut acceptation et emporte acquisition de la personnalité juridique.

ARTICLE 8.- Toute personne a le droit de prendre connaissance sur place à la préfecture, des déclarations et statuts ainsi que des changements intervenus dans lʼadministration dʼune association. Elle peut sʼen faire délivrer, à ses frais, copies et extraits.

CHAPITRE II

DU FONCTIONNEMENT

ARTICLE 9.- Les associations sʼadministrent librement dans le respect de leurs statuts et de la législation en vigueur.

ARTICLE 10.- 1) Toute association déclarée dans les conditions prévues par la présente loi peut librement: ester en justice ; gérer et disposer des sommes provenant des cotisations ;

acquérir à titre onéreux et posséder :

a) le local destiné à son administration et aux réunions de ses membres ;

b) les immeubles nécessaires à lʼaccomplissement du but qu’elle poursuit.

2) Les valeurs mobilières de toute association doivent être placées en titres nominatifs.

ARTICLE 11.- Hormis les associations reconnues dʼutilité publique, aucune association déclarée ne peut recevoir ni subventions des personnes publiques, ni dons et legs des personnes privées.

CHAPITRE III

DE LA DISSOLUTION

ARTICLE 12.-  Les associations peuvent être dissoutes :

– par la volonté de leurs membres conformément aux statuts,

– par décision judiciaire à la diligence du Ministère Public ou à la requête de tout intéressé en cas de nullité prévue à lʼarticle 4 ci-dessus. Le jugement ordonnant la fermeture des locaux et/ou lʼinterdiction de toute réunion des membres de lʼassociation est exécutoire nonobstant toute voie de recours.

ARTICLE 13.- 1) Le Ministre chargé de lʼAdministration Territoriale peut, sur proposition motivée du Préfet, suspendre par arrêté, pour un délai maximum de trois (3) mois, lʼactivité de toute association pour troubles à lʼordre public.

2)  Le Ministre chargé de lʼAdministration Territoriale peut également, par arrêté,

dissoudre toute association qui sʼécarte de son objet et dont les activités portent gravement atteinte à lʼordre public et à la sécurité de l’État.

3) Par dérogation à lʼarticle 12 de lʼordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant lʼorganisation de la Cour Suprême, les actes prévus aux alinéas 1 et 2 ci-dessus sont susceptible de recours, sur simple requête, devant le président de la juridiction administrative. Ce recours doit intervenir dans un délai de (10) jours à compter de la date de notification à personne ou à domicile. Le président statue par ordonnance dans un délai de dix (10) jours.

4) L’exercice des voies de recours n  ́ a pas d  ́ effet suspensif.

ARTICLE 14.- La dissolution d’une association ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires qui peuvent éventuellement être engagées contre les responsables de cette association.

TITRE III

DU RÉGIME DES ASSOCIATIONS AUTORISÉES

CHAPITRE IV

DES ASSOCIATIONS ÉTRANGÈRES

ARTICLE.- 15.- 1) Sont réputés associations étrangères, quelle que soit la forme sous laquelle ils peuvent se présenter, les groupements possédant les caractéristiques dʼune association, qui ont leur siège à lʼétranger ou qui, ayant leur siège au Cameroun, sont dirigés en fait par des étrangers ou dont plus de la moitié des membres sont des étrangers.

2) Les valeurs mobilières de toute association doivent être placées en titres nominatifs.

ARTICLE 16.- 1) Les associations étrangères ne peuvent exercer aucune activité sur le territoire sans autorisation préalable du Ministre chargé de l’Administration Territoriale après avis conforme du Ministre chargé des Relations Extérieures.

2) La demande dʼautorisation dʼexercer qui est introduite au ministère chargé des Relations Extérieures par les fondateurs ou les mandataires d’une association étrangère doit spécifier les activités à mener, les lieux d’ implication au Cameroun, les noms, profession et domicile de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de la direction de ces activités.

3) Les associations étrangères ne peuvent avoir des établissements au Cameroun qu’en vertu d’ une autorisation distincte pour chacun de ces établissements. La demande d’ autorisation pour tout nouvel établissement est adressée au Ministre chargé des Relations Extérieures qui, après avis, la transmet au Ministre chargé de l’ Administration Territoriale.

ARTICLE 17.- 1) L’ autorisation peut être accordée à titre temporaire ou soumise à un renouvellement périodique.

2) Elle peut être subordonnée à certaines conditions

3) Elle peut être retirée à tout moment.

4) Les associations étrangères auxquelles lʼautorisation est refusée ou retirée doivent cesser immédiatement leurs activités et procéder à la liquidation de leurs biens dans le délai de trois (3) mois à compter de la date de notification de la décision.

5) En aucun cas, le retrait d’ une autorisation ne peut donner lieu à dommages intérêts.

ARTICLE 18.- Les Préfets peuvent, à tout moment, inviter les dirigeants de tout groupement ou de tout établissement fonctionnant dans leur département à fournir par écrit, dans le délai de quinze jours, tous renseignements de nature à déterminer le siège auquel ils se rattachent, leur objet, la nationalité de leurs membres, de leurs administrateurs ou de leurs dirigeants effectifs.

ARTICLE 19.- Les associations étrangères, quelle que soit la forme sous laquelle elles se présentent, qui ne demandent pas l’autorisation dans les conditions fixées ci- dessus, sont nulles de plein droit.

ARTICLE 20.-1) sont punis dʼun emprisonnement de quinze jours à six mois et dʼune amende de 100.000 à 1.000.000 de F ou de lʼune de ces deux peines seulement ceux qui, à un titre quelconque, assument ou continent dʼassumer lʼadministration dʼassociations étrangères ou dʼétablissements fonctionnant sans autorisation.

2) Sont punis dʼun emprisonnement de dix jours à trois mois et dʼune amende de 50.000 à

500.000 F ou de l’ une de ces deux peines seulement les autres personnes qui participent au fonctionnement de ces associations ou de leurs établissements.

3) Les peines de lʼalinéa 2 ci-dessus sont applicables aux dirigeants, administrateurs et

participants à l’ activité d’associations ou d’ établissements qui fonctionnent sans observer les conditions imposées par l’ arrêté d’ autorisation au-delà de la durée fixée par ce dernier.

ARTICLE 21.- Les associations étrangères peuvent être reconnues d’ utilité publique.

CHAPITRE V :

DES ASSOCIATIONS RELIGIEUSES

ARTICLE 22.- Est considérée comme association religieuse : 

  • tout groupement de personnes physique ou morales ayant pour vocation de rendre hommage à une divinité;
  • tout groupement de personnes vivant en communauté conformément à une doctrine religieuse.

ARTICLE 23.- Toute association religieuse doit être autorisée. Il en est de même de tout établissement congréganiste.

ARTICLE 24.- L’autorisation d’ une association religieuse ou d’un établissement congrégationiste est prononcée par décret du Président de la République, après avis motivé du Ministre chargé de l’ Administration Territoriale.

ARTICLE 25.- 1) Les associations religieuses ne peuvent recevoir de subventions publiques ou de dons et legs immobiliers.

(2) Toutefois, elles peuvent recevoir les dons et legs immobiliers nécessaires à lʼexercice

de leurs activités.

ARTICLE 26.- Les associations religieuses tiennent un état de leurs recettes et dépenses et dressent chaque année, le compte financier de l’ année écoulée et lʼétat dʼinventaire de leurs biens meubles et immeubles.

ARTICLE 27.- Les responsables des associations religieuses sont tenus de présenter sur réquisition du Ministre chargé de l’ Administration Territoriale ou de son délégué, les comptes et états visés à l’article précédent ainsi que les listes complètes de leurs membres dirigeants.

ARTICLE 28.- 1) Sont nuls tous actes de donations entre vifs ou testamentaires, à titre onéreux ou gratuit, accomplis soit directement, soit par personne interposée ou par toute voie indirecte ayant pour objet de permettre aux associations religieuses légalement ou illégalement fondées de se soustraire aux obligations de lʼarticle 27 ci-dessus.

2) Cette nullité sera constatée soit à la diligence du Ministère Public sur dénonciation du

Ministre chargé de l’ Administration Territoriale ou de son délégué, soit à la requête de tout intéressé.

ARTICLE 29.- Sont punis des peines prévues aux articles 314 et 129 du Code pénal les représentants ou directeurs dʼune association religieuse qui ont fait des fausses communications ou refusé dʼobtempérer aux réquisitions du ministre chargé de lʼAdministration Territoriale ou de son délégué dans le cadre des dispositions de lʼarticle 27 ci-dessus.

ARTICLE 30.-Toute association religieuse peut être suspendue par arrêté du Ministre chargé de l’ Administration Territoriale pour trouble à l’ ordre public. Cette suspension obéit aux dispositions de l’ article 13 ci-dessus.

ARTICLE 31.- Toute association religieuse dûment autorisée dont l’ objet initial est par la suite dévié peut être dissoute après préavis de deux mois resté sans effet par décret du Président de la République.

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES TRANSITOIRES ET FINALES

ARTICLE 32.- 1) Toute association dont la contribution effective est déterminante dans la réalisation des objectifs prioritaires du gouvernement peut, sur demande, être reconnue d’ utilité publique par décret du Président de la République, après avis motivé du ministre chargé de l’ Administration Territoriale.

2) Elle peut dans ces conditions :

  • accomplir tous les actes de la vie civile non interdits par ses statuts, sans pouvoir posséder ou acquérir dʼautres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elle poursuit ;
  • recevoir des dons et legs de toute nature sous réserve de lʼautorisation du Ministre chargé de lʼAdministration Territoriale pour les dons et les legs immobiliers ;
  • recevoir des subventions de l’État et des Collectivités Décentralisées ; dans ce cas, l’État doit s’ assurer de la bonne utilisation de ces subventions.

ARTICLE 33.- 1) Sont punis dʼune amende de 100.000 à 1.000.000 de F, dʼun emprisonnement de trois mois à un an, ou de lʼune de ces deux peines seulement, les fondateurs ou administrateurs de lʼassociation qui serait maintenue ou reconstituée illégalement après jugement ou décision de dissolution.

2) Lorsque la décision de dissolution a été motivée par des manifestations armées, une atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, le maximum des peines prévues à l’ alinéa précédent est doublé.

3) Sont punies des mêmes peines, les personnes qui ont favorisé la réunion des membres de l’association dissoute en conservant l’ usage d’ un local dont elles disposent.

ARTICLE 34.- Les associations qui justifient de la possession dʼactes de déclaration, de reconnaissance ou dʼautorisation délivrée conformément à la législation en vigueur lors de la présente loi sont tenues dʼen faire la preuve dans le délai de douze mois par la production dʼune copie au Ministre chargé de lʼAdministration Territoriale.

ARTICLE 35.- La loi n°67/LF/19 du 12 juin 1967 sur la liberté d’association est abrogée et remplacée par les dispositions de la présente loi.

ARTICLE 36.– La présente loi sera enregistrée, publiée selon la procédure d’urgence, puis insérée au Journal officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 19 décembre 1990

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,

(é) PAUL BIYA

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